La fermeture du magasin Wal-Mart contrevient au Code du travail du Québec
Le 27 juin 2014, la Cour suprême du Canada a rendu son jugement dans l’affaire Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce, section locale 503 c. Compagnie Wal‑Mart du Canada, 2014 CSC 45 après une bataille juridique vieille de dix ans entre les parties. En définitive, la Cour suprême a maintenu la décision d’un arbitre québécois selon laquelle la fermeture de l’établissement de Wal-Mart contrevenait à l’article 59 du Code du travail du Québec (laquelle disposition impose un gel des conditions de travail).
FAITS
L’employeur, la Compagnie Wal-Mart du Canada (« Wal-Mart »), et le syndicat, la section locale 503 des Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce (« le syndicat »), étaient en voie de négocier une première convention collective pour les employés d’un magasin situé à Jonquière, au Québec, quand Wal-Mart a annoncé le licenciement collectif des employés et la fermeture du magasin.
Le présent pourvoi à la Cour suprême portait sur la nature et la portée de l’article 59 du Code. Cette disposition a l’effet d’un « gel » imposé par la loi qui interdit à l’employeur de modifier les conditions de travail unilatéralement durant la négociation d’une première convention collective. La Cour suprême a examiné la question de savoir si la résiliation des contrats de travail au cours de la période de « gel » contrevenait au Code du travail.
JUGEMENT
La Cour a maintenu la décision de l’arbitre selon laquelle la résiliation des contrats de travail représentait la modification des conditions de travail des employés au sens de la disposition du Code.
La Cour a déterminé que l’article 59 du Code a pour effet principal de « figer » le cadre normatif existant dans l’entreprise au moment de l’arrivée du syndicat. Même si la Cour a clairement indiqué que l’employeur conserve le droit de fermer son entreprise, cette décision doit être conforme à ses « pratiques habituelles de gestion ».
En l’espèce, dans la mesure où la preuve présentée par le syndicat a convaincu l’arbitre que la décision de Wal-Mart de fermer son magasin ne relevait pas de ses pratiques habituelles de gestion en tant qu’employeur, le fardeau incombait alors à Wal-Mart de présenter des éléments de preuve prouvant le contraire. L’arbitre n’était pas convaincu que Wal-Mart aurait fermé son établissement en l’absence d’une requête en accréditation et a donc conclu que la fermeture contrevenait à l’article 59 du Code.
La Cour suprême a renvoyé le dossier à l’arbitre pour qu’il détermine la réparation appropriée pour la violation par Wal-Mart de la disposition opérant un « gel » des conditions de travail.
Leçon à tirer pour les employeurs
Bien que le jugement de la Cour suprême traite précisément de la législation du Québec, il semble contenir certaines mises en garde à l’intention des employeurs dans les ressorts de common law au sujet de la fermeture d’un établissement au cours d’une période de « gel ». La règle du « cours normal des affaires » (c.‑à‑d., lorsque les circonstances économiques justifient une telle décision) continuera d’être appliquée lorsque les tribunaux judiciaires et les commissions de relations industrielles dans les ressorts de common law examinent des modifications apportées aux conditions de travail au cours d’une période de « gel ». Ce jugement pourrait accroître la possibilité qu’un syndicat conteste une décision de fermer un établissement en formulant des plaintes de violation de la période de gel et de pratiques déloyales de travail. Il importera que les employeurs documentent soigneusement les motifs d’affaires qui sous-tendent une décision de fermer un établissement au cours d’une période de « gel ».