Introduction d’une nouvelle règle au Nouveau-Brunswick concernant les motions en jugement sommaire : plus qu’un outil permettant d’obtenir le rejet de demandes non fondées
Depuis le 1er janvier 2017, la règle 22 des règles de procédure du Nouveau-Brunswick relative au « jugement sommaire » a été abrogée et remplacée. La règle 22 est passée d’un moyen d’écarter les demandes non fondées à un modèle de rechange important pour rendre jugement.
Dans la cadre d’une poursuite, une motion en jugement sommaire constitue un moyen important de rejeter une allégation ou une défense non fondée sans avoir à engager les frais d’un procès. Comme cela a toujours été le cas, lorsqu’une partie peut démontrer dès le début du processus de litige et avant le procès qu’il n’existe pas de véritable question en litige ou de différend sur la question des faits, le tribunal se prononcera sur le bien-fondé de la cause.
Tout le monde sait que les frais d’un procès peuvent être prohibitifs pour toutes les parties concernées. Le système de justice canadien est sensible à cette nouvelle réalité, ce qui explique qu’à l’échelle nationale, nous constations un changement dans les moyens d’accroître l’accessibilité à la justice afin d’éviter d’avoir à engager les frais souvent exorbitants d’un procès. La règle révisée en est un exemple.
En 2014, la Cour suprême du Canada a attaqué de front les préoccupations croissantes liées aux coûts d’un litige dans l’affaire Hryniak c. Mauldin, 2014 CSC 7 (« Hryniak c. Mauldin »). La Cour suprême a analysé la nouvelle règle de l’Ontario relative au jugement sommaire, et plus particulièrement la règle 20.04. La règle 22.04 révisée du Nouveau-Brunswick reflète celle de l’Ontario. Comme fondement de la décision, la Cour suprême a déclaré que les requêtes en jugement sommaire favorisaient l’accès à la justice, car elles offrent une solution de rechange plus économique et plus rapide à la tenue d’un procès complet. Un juge saisi d’une motion a désormais l’autorité de tirer les conclusions de faits nécessaires, d’appliquer le droit à ces faits et d’atteindre des résultats équitables par des moyens proportionnés, expéditifs et plus économiques, éliminant ainsi la nécessité de la tenue d’un procès complet.
Le nouveau critère
Avant les nouvelles modifications, le critère applicable pour rendre un jugement sommaire était que la cause ne « soulève pas de véritable question litigieuse ». Le seuil était élevé et si la cause ne soulevait pas de véritable question litigieuse, le tribunal, par défaut, n’avait pas d’autre choix que d’ordonner un procès. Le critère est désormais de savoir si la cause soulève une « véritable question litigieuse nécessitant la tenue d’une instruction ». Selon les nouvelles modifications, le juge saisi de la motion a maintenant à sa disposition des outils de recherche des faits pour lui permettre de rendre une décision immédiate sur toutes les questions en litige, dans les cas appropriés.
Le nouveau pouvoir du tribunal
Quels sont les changements les plus importants et quel impact auront-ils sur l’issue potentielle d’une motion en jugement sommaire ?
La notion de preuve acceptable a été élargie et l’introduction de la preuve d’expert est maintenant facilitée. De plus, l’appréciation de la preuve contradictoire par affidavit et la décision sur la crédibilité et la probabilité ont réellement été laissées à la discrétion du juge et, si nécessaire, le tribunal peut ordonner qu’une partie témoigne ou tenir un « mini-procès ». Un mémoire préparatoire doit désormais être déposé alors que ce n’était pas le cas auparavant. Des détails sur l’élargissement du pouvoir du tribunal sont donnés ci-dessous.
Élargissement de la notion de preuve acceptable
La règle 22 du Nouveau-Brunswick sur le jugement sommaire permet à l’une des parties de présenter des éléments de preuve au moyen d’un affidavit. La capacité d’obtenir un jugement sommaire sur motion se résume souvent à la preuve par affidavit d’une partie. La règle 22 antérieure restreignait la preuve par affidavit uniquement à la preuve dont le déposant avait une connaissance personnelle, c’est-à-dire, les renseignements qu’il connaissait directement. Une personne ne pouvait pas faire de déclaration sous serment, par exemple, à l’égard de renseignements importants appris par l’intermédiaire d’une autre personne, peu importe le degré de fiabilité de cette autre personne.
La règle 22 révisée a changé cette exigence de « connaissance personnelle » qui était applicable à la preuve par affidavit. Un déposant peut désormais déclarer sous serment « ce qu’il a appris et ce qu’il croit » sans nécessairement en avoir une connaissance directe. Cette mesure facilite la présentation de certains éléments de preuve auparavant inadmissibles devant le tribunal, mais cruciaux pour une question essentielle. Cette règle de preuve élargie ne permet pas nécessairement à une partie d’éviter d’avoir à obtenir un affidavit d’une personne ayant une connaissance personnelle de certains faits. La règle de la « meilleure preuve » demeure et si la meilleure preuve est disponible, un tribunal tirera une conclusion défavorable du fait de ne pas déposer l’affidavit de la personne qui a une connaissance directe des faits contestés. Par conséquent, les parties dont la preuve est constituée d’un affidavit se fondant sur « ce qu’une personne a appris et ce qu’elle croit » auraient intérêt à y expliquer pourquoi l’affidavit d’une personne ayant une connaissance directe des renseignements n’a pas été présenté au tribunal.
Appréciation de la preuve
Avant les modifications, il n’était pas possible pour un juge saisi d’une motion de privilégier la preuve de l’un des déposants, dans le cas d’affidavits contradictoires. Les révisions de la règle permettent désormais au juge saisi de la motion d’apprécier la preuve et d’évaluer la crédibilité des renseignements et du déposant, et de tirer une conclusion raisonnable de la preuve. Même s’il n’est pas nécessaire qu’une telle preuve soit équivalente à celle qui serait soumise dans le cadre d’un procès, la preuve doit néanmoins satisfaire un juge qu’elle résoudra équitablement le différend.
Preuve d’opinion
Contrairement aux dispositions antérieures, la nouvelle règle aborde spécifiquement la « preuve d’opinion » et, avec la permission du tribunal, une partie peut désormais soumettre un affidavit comprenant une telle preuve, si le déposant avait été autorisé à soumettre une telle opinion au moment de témoigner au procès. Cette mesure facilitera certainement la présentation d’une preuve d’opinion dans le cadre d’une motion en jugement sommaire, alors que dans le passé il était très difficile d’obtenir la permission de déposer une telle opinion du fait de l’impossibilité de contre-interroger le témoin et de contester les faits et les conclusions contenus dans l’opinion de l’expert.
L’avantage d’un « mini-procès »
Un juge saisi d’une motion a désormais le pouvoir discrétionnaire de faire appel aux outils mentionnés ci-dessus en ordonnant la présentation d’éléments de preuve supplémentaires au moyen du témoignage d’une ou de plusieurs personnes. Alors que dans le passé, l’insuffisance de la preuve aurait nécessairement mené au rejet de la motion, les modifications apportées à la règle 22 permettent une plus grande appréciation de la preuve supplémentaire. Ainsi, il devient possible de faire trancher les questions en litige, plutôt que de voir la motion rejetée pour cause d’absence de preuve.
Observations
Il reste à voir à quelle fréquence et dans quelle mesure les juges exerceront ces pouvoirs discrétionnaires, car le seuil requis devant le tribunal n’a pas diminué. Bien que ces nouvelles dispositions soient les bienvenues et tardives, elles ne modifient pas l’objectif principal et primordial du tribunal : être convaincu qu’il peut atteindre, à l’audition d’une motion, un résultat aussi équitable sur toutes les questions que si la cause avait été entendue dans le cadre d’un procès complet. Ces modifications représentent toutefois une évolution de la règle en donnant dorénavant aux parties l’occasion de présenter une preuve élargie et supplémentaire. Cette mesure de flexibilité supplémentaire est maintenant figée dans la nouvelle règle.
Cox & Palmer est membre de l’association des Avocats Gestionnaires de Risques du Canada.