Le salaire minimum ne concerne pas seulement les employés à salaire horaire

25 July 2019

La décision récente de la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick, J. Clark & Son Limited c Nouveau-Brunswick, 2019 NBCA 31 (« J. Clark & Son ») donne des indications quant aux personnes visées par le salaire minimum et à la manière dont celui-ci devrait être versé aux employés qui touchent une commission. La décision de la Cour d’appel a été rendue le 11 avril 2019, à la suite des modifications apportées au Règlement sur le salaire minimum de la province – Loi sur les normes d’emploi, NB Régl 2019-2, entré en vigueur le 1er avril 2019.

Contexte

L’affaire tire son origine d’une plainte déposée par une conseillère en vente d’automobiles qui avait été employée chez J. Clark & Son Limited. L’employée (« RRB ») recevait une rémunération hebdomadaire de 350 $, qui consistait en 150 $ de salaire de base, 200 $ à titre d’avance sur sa commission et 57,69 $ d’allocation d’automobile. Elle était payée toutes les deux semaines.  La pratique de longue date de J. Clark & Son Limited consistait à régler toutes les commissions mensuellement.

RRB a été congédiée sans motif valable et, le même jour, elle a déposé une plainte contre son employeur auprès de la Direction des normes d’emploi du Nouveau-Brunswick. La plainte de RRB portait sur le salaire minimum, le salaire minimum pour heures supplémentaires et l’indemnité tenant lieu de préavis. RRB n’a pas attribué de montant à sa réclamation, mais elle a soutenu que son taux de salaire était de 350 $ toutes les deux semaines, que sa semaine de travail comptait en moyenne 54 heures et qu’elle travaillait 5 à 6 jours par semaine.

La plainte de RRB a fait l’objet d’une enquête aux termes de la Loi sur les normes d’emploi (la « Loi »). L’agent chargé de l’enquête a recommandé que la directrice adjointe émette une ordonnance enjoignant à J. Clark & Son Limited de verser à RRB 2195,93 $ au titre d’une dette de salaire et une indemnité tenant lieu de préavis s’élevant à 1258,59 $.

L’agent a calculé le solde de salaire minimum dû sur une base hebdomadaire et l’a, par la suite, converti en une période de deux semaines pour qu’il corresponde au registre des salaires de l’employeur.

Historique du litige

L’employeur a contesté l’ordonnance et l’affaire a été renvoyée à la Commission du travail et de l’emploi (la « Commission »), qui a annulé l’ordonnance de la directrice adjointe et a rejeté la plainte de l’employée.

L’employée a demandé le contrôle judiciaire de la décision de la Commission. Le juge saisi de la demande a annulé la décision de la Commission, concluant qu’elle était déraisonnable et a renvoyé l’affaire à la Commission afin que cette dernière établisse le salaire minimum et l’indemnité de vacances dus à l’employée pour chaque période de paie.

Le juge saisi de la demande a confirmé que le Règlement sur le salaire minimum s’applique à chaque employé et employeur du Nouveau-Brunswick, sauf disposition contraire de la Loi ou de tout règlement pris en vertu de celle-ci.

Le juge saisi de la demande a également examiné la question de savoir quel intervalle devait être pris en compte pour calculer le salaire minimum. Il a fait remarquer que des intervalles différents pouvaient donner lieu à des résultats différents en ce qui concerne le salaire minimum dû. Il a rédigé ce qui suit au paragraphe 8 :

Ayant examiné le revenu de la salariée dans son intégralité durant les six mois de son emploi, la Commission a conclu que son revenu total pour cette période dépassait de 270,26 $ le salaire minimum. Selon un calcul portant sur chacune des périodes de paie de deux semaines, l’enquêteur a déterminé que la somme totale cumulative qu’elle a touchée au cours des six mois était de 2195,93 $ inférieure au salaire minimum. Selon l’enquêteur, si les heures et les avantages sociaux de la salariée avaient été calculés chaque semaine, la somme qui lui aurait été due [TRADUCTION] « serait d’environ 5 000 $ plus élevée ».

Le juge saisi de la demande a conclu que le concept de salaire minimum devait être calculé et versé « durant une période de paie » et que la Commission avait commis une erreur en omettant de déterminer la période de paie qui s’appliquait à l’employée. Il a conclu que la Loi exigeait aux employeurs de tenir des dossiers précis contenant le nombre d’heures travaillées par chacun de ses employés et la rémunération brute pour chaque période de paie. Le juge saisi de la demande a conclu que l’un des objectifs évidents de l’exigence de tenir des dossiers est de faire en sorte qu’il soit facile pour un employeur de vérifier que le salaire minimum est versé durant chaque période de paie. Le libellé du paragraphe 7 du Règlement sur le salaire minimum explique davantage la raison d’être de la période de paie. Le paragraphe indique « période de paie » et n’utilise pas de terme tel que « tandis que l’employé est employé par l’employeur » ou « au cours des six derniers mois ».

Le juge saisi de la demande a précisé que le paragraphe 34(5) de la Loi autorise un employeur à poursuivre une pratique existante qui consiste à verser ses commissions et autres rémunérations en dehors de la période de paie. Il ne prétendait toutefois pas exempter l’employeur de l’exigence de verser à ses employés le salaire minimum à chaque période de paie.

L’employeur a interjeté appel de la décision du juge saisi de la demande. En attendant une audience devant la Cour d’appel, l’affaire a été renvoyée à la Commission, qui l’a entendue. La Commission a conclu que la période de paie applicable était mensuelle et a enjoint à la Directrice des normes d’emploi de mener une enquête approfondie concernant le calcul du salaire minimum en se servant de l’intervalle défini.

Cour d’appel

La Cour d’appel a souscrit à la conclusion du juge saisi de la demande, selon laquelle la décision préliminaire de la Commission était déraisonnable et que les vendeurs d’automobiles touchant une commission avait le droit de recevoir, à tout le moins, le salaire minimum pour les heures travaillées.

La Cour d’appel a déclaré que la décision du juge saisi de la demande, sur la question de l’établissement du salaire minimum dû à RRB pour chaque période de paie, était adéquate.

Modifications législatives récentes

Auparavant, le Règlement sur le salaire minimum était muet sur la manière dont le salaire minimum devait être calculé. Par exemple, le Règlement sur le salaire minimum de 2016, précisait que « le salaire minimum des salariés dont le nombre d’heures de travail hebdomadaires ne peut être vérifié et qui ne sont pas strictement rémunérés à la commission est fixé à 468,60 $ par semaine. »

À compter du 1er avril 2019, le Règlement sur le salaire minimum a été modifié afin d’inclure le passage suivant, à l’article 8 :

Le salaire minimum des salariés dont le nombre d’heures de travail hebdomadaires ne peut être vérifié et qui ne sont pas strictement rémunérés à la commission correspond, sur une base hebdomadaire, au produit de quarante-quatre fois le salaire minimum horaire. [Nos soulignements]

L’article 8 exige que le salaire minimum soit calculé sur une base hebdomadaire pour une certaine catégorie d’employés. Bien que cet article doive encore être validé, il instruit néanmoins sur la manière de calculer le salaire minimum et sur la durée de l’intervalle auquel le calcul s’applique.

Comme le souligne la décision du juge saisi de la demande, la différence entre le calcul du salaire minimum sur une base hebdomadaire et celui établi toutes les deux semaines peut donner lieu à des divergences importantes concernant le salaire minimum dû.

Quels sont les effets?

À la suite de la décision rendue par la Cour d’appel et des modifications apportées au Règlement sur le salaire minimum, les employeurs sont tenus, à tout le moins, de verser aux employés le salaire minimum pour les heures travaillées durant la période de paie. Si le nombre d’heures hebdomadaires travaillées par un employé ne peut pas être vérifié et si ces heures ne sont pas strictement rémunérées à la commission, le salaire minimum hebdomadaire versé doit être fixé au moins à 506 $. Ces modifications pourraient avoir des incidences sur les employeurs qui ne versent pas actuellement à leurs employés une base de salaire inférieure au salaire minimum ou inférieure à 506 $ par semaine (si les heures ne peuvent pas être vérifiées) alors que les employés ont gagné une commission versée en dehors de la période de paie désignée.

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