Droit de l’emploi et du travail – Les dix décisions les plus importantes de 2019
L’année 2019 a été marquée par plusieurs décisions notables ayant une incidence sur le droit du travail et de l’emploi. Voici un résumé des 10 décisions rendues au Canada dont les employeurs devraient, selon nous, prendre connaissance en ce début d’année 2020.
La Cour d’appel de l’Ontario présente un principe important selon lequel certaines tactiques particulièrement ambitieuses peuvent dépasser les limites de la bonne foi et engendrer des dommages punitifs considérables
En juin 2015, Keddco MFG (2011) a mis fin à l’emploi de M. Ruston. Informé du fait qu’il a été congédié pour motif valable, ce dernier affirme qu’il a l’intention d’engager un avocat. Keddco a ensuite menacé de déposer contre M. Ruston une demande reconventionnelle très coûteuse si celui-ci faisait appel à un avocat. En réponse à la demande de M. Ruston relative au congédiement injustifié, Keddco dépose un exposé de la défense et une demande reconventionnelle énonçant le motif allégué et la réclamation de dommages-intérêts de 1,7 million de dollars pour enrichissement injustifié, violation du devoir de fiduciaire et fraude, en plus de réclamer des dommages-intérêts punitifs de l’ordre de 50 000 $.
Le juge de première instance a conclu que Keddco n’avait prouvé aucune de ses allégations et a déterminé que la demande reconventionnelle de Keddco constituait une tactique visant à intimider M. Ruston. En outre, le juge de première instance a conclu que Keddco a manqué à son obligation de bonne foi et de traitement équitable, et a accordé à M. Ruston des dommages-intérêts tenant lieu de préavis raisonnable correspondant à une période de préavis de 19 mois, une prime et des avantages, ainsi que des dommages punitifs de 100 000 $ et des dommages-intérêts pour préjudice moral de 25 000 $, en plus de tous les dépens totalisant 546 684,73 $. Keddco a porté la décision en appel en faisant valoir que les dommages-intérêts accordés à M. Ruston par le juge de première instance étaient excessifs.
La Cour d’appel de l’Ontario a rappelé que les employeurs ont une obligation de bonne foi et de traitement équitable dans la manière de procéder au congédiement et que la conduite de l’employeur, tant avant qu’après le congédiement, peut être pertinente à l’analyse du préjudice moral si une telle conduite est un aspect de la manière dont l’employé a été congédié. La Cour d’appel a déclaré que non seulement la manière de congédier M. Ruston avait été dévastatrice, mais en outre la conduite de Keddco lorsqu’elle a menacé ce dernier pour qu’il ne présente pas de réclamation lui a causé un stress considérable.
La Cour d’appel s’est penchée sur l’importance de considérer le montant global des dommages-intérêts accordés lors du choix d’un montant convenable et a déclaré que les tribunaux doivent veiller à éviter une double compensation ou une double peine. En l’espèce, toutefois, la Cour d’appel n’a pas reconnu que l’octroi à la fois de dommages-intérêts majorés et de dommages-intérêts punitifs équivalait à un double recouvrement. La Cour d’appel a déclaré que les dommages-intérêts majorés visaient à indemniser le demandeur pour des dommages-intérêts accrus engendrés par le manquement de l’employeur quant à son obligation de bonne foi et de traitement équitable dans la manière de congédier, tandis que les dommages-intérêts punitifs visent à punir et à dénoncer toute conduite inappropriée ou injuste.
Finalement, la Cour d’appel a jugé que la conduite de Keddco avait atteint un degré tel qu’elle méritait d’être dénoncée pour tous les motifs invoqués par le juge de première instance. La Cour d’appel a maintenu l’octroi, a rejeté l’appel et a adjugé les dépens de 35 000 $ à M. Ruston, ce qui élève à près de 600 000 $ les dépens adjugés que doit payer Keddco.
La décision de la Cour suprême de Terre-Neuve-et-Labrador établit des principes que des concurrents se disputant des employés doivent respecter
M. Murphy, qui occupait un poste de direction auprès de Safety-First Contracting (1995) Ltd., a démissionné de son emploi après 14 mois de service pour se joindre à Hi-Vis Traffic Control Inc., un concurrent de l’entreprise. Lorsque M. Murphy a abandonné le navire pour monter à bord de celui d’un concurrent, Safety-First a allégué que celui-ci avait violé un accord de confidentialité et un accord de non-concurrence, et subsidiairement, qu’il avait manqué à ses obligations en matière de confidentialité et de non-concurrence en vertu de la common law.
Quel est le problème ? Safety-First n’a pas pu prouver que M. Murphy avait signé ni un accord de confidentialité ni un accord de non-concurrence. Bien que l’entreprise ait envoyé par courriel à M. Murphy un exemplaire de ce document, elle n’en a pas obtenu de copie signée et la Cour a été convaincue que M. Murphy n’a pas vu le document, par erreur. En conséquence, il n’existait ni d’accord de confidentialité ni d’accord de non-concurrence à faire respecter.
La Cour a néanmoins convenu qu’en vertu de la common law, les employés ont une obligation de confidentialité après la cessation de leur emploi. Cependant, Safety-First n’avait aucune preuve concrète selon laquelle M. Murphy aurait détourné des renseignements confidentiels. Bien que M. Murphy connaisse les clients de Safety-Firsts, ces clients étaient facilement identifiables et, de toute façon, ce type de connaissance mémorisée n’est pas, selon la Cour, protégé par les obligations de confidentialité de M. Murphy en vertu de la common law.
Enfin, la Cour a également admis que les employés « fiduciaires » peuvent avoir des obligations de ne pas solliciter activement des clients pour un concurrent après la cessation de leur emploi. Bien que ce principe soit utile dans certains cas, le poste qu’occupait M. Murphy n’était pas suffisamment élevé pour justifier une désignation de fiduciaire. En conséquence, il était soumis à moins de restrictions après la cessation de son emploi.
Cette décision illustre quelques principes clés :
1) Il ne faut pas perdre de vue l’importance d’un bon processus d’intégration. En effet, avant que les employés commencent à travailler, assurez-vous de leur faire signer et de retourner leur contrat de travail, et veillez à ce que tous les dossiers d’emploi soient correctement tenus et protégés.
2) Avant de prendre des mesures contre un employé ayant quitté l’entreprise pour aller travailler chez un concurrent, les employeurs devraient tenir compte du poste qu’occupait l’employé, et établir les obligations contractuelles et le degré de preuve matérielle requis pour établir une action fautive.
3) Le calcul n’est pas unilatéral. Un employeur qui envisage d’embaucher un employé d’un concurrent doit faire preuve de diligence raisonnable pour s’assurer qu’il n’incite pas l’employé à manquer à ses obligations de confidentialité et de non-concurrence.
La Cour d’appel du Nouveau-Brunswick précise que le Règlement sur le salaire minimum s’applique aux employés qui touchent des commissions.
En règle générale, les employés ont droit au salaire minimum. Dans une décision récente, la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick a démontré que les employeurs doivent tenir compte de cette exigence lorsqu’ils rémunèrent leurs employés à commission ou par une autre rémunération variable.
Plus précisément, la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick a conclu qu’un vendeur d’automobiles payé à commission avait le droit de recevoir, à tout le moins, le salaire minimum pour toutes les heures travaillées en vertu du Règlement sur le salaire minimum du Nouveau-Brunswick. Heureusement, selon l’ordonnance en l’espèce, la somme totale cumulative que devait toucher l’employée ne s’élevait qu’à 2 195,93 $ pour compenser son revenu inférieur au salaire minimum. Toutefois, il est conseillé aux employeurs qui paient les employés à commission ou par tout autre moyen de rémunération variable de demeurer au fait de toute obligation en matière de salaire minimum et des heures travaillées, car une responsabilité importante pourrait leur incomber au fil du temps si les revenus se situent sous la barre du salaire minimum.
L’employeur n’est pas tenu de verser les sommes de règlement après que le plaignant se soit vanté sur Twitter de la violation de dispositions sur la confidentialité
L’Acadia University Faculty Association (l’Association des professeurs de l’Université d’Acadia) a déposé des griefs à la suite du congédiement d’un professeur agrégé et les parties ont convenu d’une entente de règlement exigeant une stricte confidentialité. Le seul commentaire pouvant être fait publiquement était que les griefs ont été résolus par voie de médiation. Après la signature de l’entente de règlement, le professeur a écrit sur son compte Twitter qu’il était un [traduction] « ancien professeur à qui on a donné raison ». L’arbitre a ordonné que les gazouillis soient supprimés conformément à l’entente de règlement, mais le professeur a continué à écrire des gazouillis sur le fait que l’indemnité de départ était retenue par l’employeur.
L’arbitre a déterminé que les gazouillis ont enfreint les dispositions de l’entente de règlement relatives à la confidentialité et que l’usage répété des expressions « donner raison » et du terme terme « indemnité » laissait croire que l’université reconnaissait une faute quelconque. Étant donné les violations répétées et continues des modalités de l’entente de règlement, ainsi qu’en absence de toute circonstance atténuante, l’arbitre a conclu que l’université n’était plus tenue de verser les sommes prévues dans le règlement.
En plus de donner du mordant aux clauses de confidentialité, cette cause établit que le non-versement des fonds est une mesure efficace contre les violations de confidentialité, en particulier lorsque la violation est aussi flagrante.
La Cour d’appel de l’Ontario confirme l’analyse portant sur l’« emploi comparable »
Dans le cadre d’une transaction commerciale, il arrive souvent que l’acheteur soit tenu d’offrir aux employés du vendeur de conserver leur emploi à des conditions comparables ou essentiellement similaires. La raison en est que, en common law, les employés ne peuvent généralement pas réclamer de dommages-intérêts pour congédiement injustifié contre leur employeur s’ils ont continuellement refusé des offres d’emploi comparable de la part de l’acheteur.
Dans l’affaire Dussault c. Imperial Oil Limited, la Cour d’appel de l’Ontario a confirmé la décision d’un tribunal inférieur qui offre une orientation relative à l’évaluation de ce que constitue un « emploi comparable », et démontre les conséquences potentiellement importantes du défaut de respecter cette norme de façon adéquate.
En l’espèce, Imperial Oil a vendu une de ses divisions à Mac’s Convenience Stores et, dans le cadre de cette transaction, Mac’s a offert que certains employés conservent leur emploi. Toutefois, deux employés particulièrement de longue durée (possédant respectivement 39 et 36 ans de service) ont rejeté l’offre de Mac’s et ont réclamé à Imperial Oil des dommages-intérêts pour congédiement injustifié.
En concluant que les employés avaient droit à des dommages-intérêts, la Cour a jugé que Mac’s n’avait pas offert à ces employés un emploi comparable et que ces derniers n’étaient donc pas tenus d’accepter cette offre, notamment en raison de ce qui suit :
1) l’exigence d’Imperial selon laquelle les employés devaient signer une quittance pour pouvoir obtenir un emploi chez Mac’s menait à leur abandon forcé de droits potentiels à des sommes qu’Imperial devrait autrement leur verser;
2) l’offre de Mac’s ne reconnaissait pas les années de service de ces employés auprès d’Imperial Oil, ce qui causait un important préjudice aux employés;
3) l’offre de Mac’s ne garantissait le même salaire que pendant une période de 18 mois, sans indiquer ce que serait leur salaire après cette période;
4) Mac’s leur offrait des avantages nettement moins avantageux.
En raison de l’incapacité de garantir à ces employés un emploi comparable, ceux-ci se sont vu accorder une indemnité tenant lieu d’un préavis de 26 mois.
6. Calgary (City) and CUPE, Local 37 (Mossman), Re, 2019 Carswell Alta 1073
Un arbitre maintient le congédiement d’un employé de longue durée dont le dossier disciplinaire est impeccable, qui se livre au harcèlement sexuel d’une collègue.
M. Mossman est un employé de Calgary Roads Department comptant plus de 30 ans de service qui a relevé d’une contremaîtresse (AB) pendant environ 10 ans.
M. Mossman et AB échangeaient des messages texte en lien avec le travail. En février 2017, le ton des messages a changé lorsque M. Mossman a commencé à envoyer à AB des messages à caractère sexuel. En avril 2018, ces actes ont atteint leur paroxysme lorsque M. Mossman a montré à AB une photo de ses parties génitales. Bien qu’il se soit d’abord excusé, M. Mossman a ensuite demandé à AB (à deux reprises) si elle voulait une copie de l’image qui lui avait été envoyée par message texte. AB a entamé le processus de présentation d’une plainte officielle contre M. Mossman, qui a été suspendu avec rémunération le jour même et congédié le 8 mai 2018.
Le syndicat a déposé un grief contre le congédiement et M. Mossman a présenté une lettre d’excuses. Toutefois, le comportement de M. Mossman après qu’AB ait déposé la plainte officielle était tel qu’il semblait reprochait à la victime de l’avoir trahi plutôt que d’accepter la responsabilité de ses actes. L’arbitre a maintenu le congédiement en déclarant que le caractère intentionnel de l’inconduite de M. Mossman était une circonstance aggravante, surtout qu’il a ensuite fait pression sur AB pour qu’elle accepte de recevoir une copie de la photo à deux occasions distinctes.
Il s’agit d’une décision illustrant bien la reconnaissance des arbitres que l’inconduite sexuelle figure parmi les inconduites les plus inacceptables et que les employeurs doivent réagir en conséquence.
La Cour d’appel de l’Ontario maintient que la durée maximale d’une période de préavis raisonnable est toujours de 24 mois
Après 37 années de service, M. Dawes a été congédié sans motif valable par Assurance vie Équitable du Canada. M. Dawes, qui avait 62 ans au moment de son congédiement, a travaillé auprès d’Assurance vie Équitable du Canada pendant toute sa vie professionnelle. Il a intenté une poursuite pour congédiement injustifié, réclamant des dommages-intérêts dépassant la durée maximale d’une période de préavis raisonnable de 24 mois.
La détermination de la durée convenable d’un préavis raisonnable pour un employé particulier dépend des faits et tient compte de facteurs comme l’âge, la durée de service et la difficulté anticipée à trouver un emploi comparable. Depuis de nombreuses années, la durée de 24 mois est considérée comme étant la période de préavis maximale pouvant être accordée à un employé, quelles que soient les circonstances. Cela étant dit, au cours des dernières années, on peut constater que les tribunaux accordent des préavis de plus de 24 mois aux employés de très longue date qui sont plus âgés.
En l’espèce, le juge des motions a poussé l’analyse plus loin en déclarant ce qui suit : [traduction] « en absence d’un emploi comparable, le congédiement sans motif équivaut à une retraite forcée ». Le juge des motions a conclu que M. Dawes avait droit à un préavis de 30 mois. Equitable Life a interjeté appel, en soutenant que la décision du juge des motions concernant le préavis raisonnable était excessive.
La Cour d’appel de l’Ontario a accueilli l’appel sur la question du préavis, réduisant le délai du préavis à 24 mois, et confirmant que la durée maximale d’une période de préavis raisonnable est toujours de 24 mois, et ce, en absence de circonstances exceptionnelles. La conclusion du juge des motions selon laquelle un préavis de 30 mois s’imposait ne reposait pas sur la présence de circonstances exceptionnelles, mais plutôt sur la perception du juge de facteurs sociaux élargis. Le juge des motions n’aurait pas dû se fier à sa propre perception de la nécessité du changement d’attitude de la société à l’égard de la retraite, d’autant plus que [traduction] « rien dans le dossier ne permettait de faire de telles déclarations générales ». De plus, la Cour d’appel a jugé que les considérations relatives à la retraite obligatoire n’étaient pas pertinentes dans la situation de M. Dawes, car il avait déclaré sous serment qu’il avait l’intention de prendre sa retraite à l’âge de 65 ans et rien ne permettait de conclure qu’il aurait travaillé plus longuement.
Bien que les circonstances de M. Dawes (son poste de direction, ses années de service tout au long de sa carrière, son âge et la difficulté à trouver un nouvel emploi) justifiaient un long préavis, la Cour d’appel a conclu qu’il n’y avait aucune raison d’accorder un préavis de plus de 24 mois.
Cette décision confirme qu’un employé devra établir l’existence de circonstances exceptionnelles pour recevoir un préavis de plus de 24 mois. Toutefois, nous notons qu’en l’espèce, le fait que M. Dawes ait demandé une « stratégie de sortie » de chez son employeur a été un facteur ayant fait obstacle à l’obtention d’une conclusion de l’existence de circonstances exceptionnelles. À cet égard, il est intéressant de comparer ce résultat à celui de la décision Dussault c. Imperial Oil Limited, dans laquelle les employés d’âge similaire et de même durée de service se sont vu accorder un préavis de 26 mois fondé sur une conclusion selon laquelle il existait des circonstances exceptionnelles dans leur cas.
Nous notons également que la demande d’autorisation d’interjeter l’appel a été déposée à la Cour suprême du Canada le 19 novembre 2019 et nous attendons de voir si l’appel sera entendu.
Le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario conclut que l’exigence de « permanence » pour être admissible à travailler au Canada est discriminatoire et oblige l’employeur à verser 125 000 $
M. Haseeb s’est vu offert un poste par Imperial Oil Limited. Après avoir constaté que M. Haseeb n’était pas un citoyen canadien ni un résident permanent du Canada, Imperial a retiré son offre d’embauche. À l’époque, M. Haseeb avait un visa d’étudiant et avait l’intention d’obtenir un permis de travail postdiplôme qui lui permettrait de travailler au Canada pour une période de trois ans. Il ne satisfaisait cependant pas à l’exigence d’Imperial selon laquelle les candidats devaient être admissibles à [traduction] « travailler au Canada de façon permanente ».
Le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario a conclu que cette exigence constituait de la discrimination fondée sur la citoyenneté, un motif protecteur contre la discrimination. Le Tribunal a appliqué le principe de réparation selon lequel M. Haseeb devrait occuper le poste qu’il aurait occupé si ses droits fondamentaux n’avaient pas été violés. Le Tribunal a conclu que si Imperial n’avait pas violé les droits de M. Haseeb, il aurait été embauché et employé par Imperial pendant au moins trois ans.
M. Haseeb s’est vu accorder une indemnité totalisant plus de 10 000 $ pour perte de revenus pour toute la période de chômage résultant de la discrimination. M. Haseeb a également obtenu une indemnité de 15 000 $ pour atteinte à la dignité, aux sentiments et au respect de soi. En fin de compte, Imperial a dû payer à M. Haseeb plus de 125 000 $, un prix très élevé à payer pour une exigence selon laquelle les candidats devaient être admissibles à [traduction] « travailler au Canada de façon permanente ».
Imperial a depuis révisé ses pratiques d’embauche et exige maintenant uniquement que les candidats soient admissibles à [traduction] « travailler au Canada » sans exiger de preuve qu’ils peuvent le faire de [traduction] « façon permanente ».
Cette décision provenant de l’Ontario laisse entendre que la clémence occasionnelle à l’égard d’une condition d’emploi ne modifie pas nécessairement ladite condition d’emploi.
Mme Peternel travaillait pour Custom Granite and Marble Limited. Bien que l’horaire normal de celle-ci soit de 8 h 30 à 16 h 30, l’employeur était flexible quant à l’heure d’arrivée, ce qui permettait à Mme Peternel de prendre soin de ses enfants le matin. Pendant qu’elle était en congé de maternité et enceinte de son troisième enfant, Mme Peternel a été avisée par son employeur qu’à son retour au travail, elle devait commencer tous les jours à 8 h 30 au plus tard. Affirmant ne pas être en mesure d’obtenir des services de garde, Mme Peternel n’est pas retournée travailler.
Mme Peternel a ensuite intenté une poursuite dans laquelle elle alléguait que l’heure d’arrivée était une condition fondamentale de son contrat de travail que l’employeur ne pouvait modifier unilatéralement. Mme Peternel soutenait également que la Loi sur les normes d’emploi lui donne le droit de réintégrer un poste offrant une certaine flexibilité quant à l’heure d’arrivée. Elle soutenait de plus qu’il s’agissait d’une rupture de contrat et que l’insistance de l’employeur qu’elle commence sa journée à 8 h 30 constituait un manquement à l’obligation de celui-ci en vertu du Code des droits de la personne.
La Cour a conclu que l’heure d’arrivée de 8 h 30 était une condition d’emploi de Mme Peternel avant son départ en congé de maternité. Par conséquent, en insistant pour que Mme Peternel commence sa journée de travail à 8 h 30, l’employeur n’a pas porté atteinte à son droit de réintégrer son ancien poste, comme l’exige la Loi sur les normes d’emploi. La Cour a également conclu que l’insistance de l’employeur sur l’heure d’arrivée de 8 h 30 ne constituait pas une rupture de contrat.
Enfin, la Cour a déterminé que les actions de l’employeur n’ont pas déclenché l’obligation de prendre des mesures d’adaptation prévue au Code des droits de la personne. Mme Peternel n’a pas démontré que l’heure d’arrivée de 8 h 30 était discriminatoire, car elle n’a pas fourni à l’employeur des informations importantes relatives à ses besoins en matière de garde d’enfants. De ce fait, Mme Peternel a compromis toutes les mesures d’adaptation que son employeur aurait pu prendre en tenant compte de ses besoins en matière de garde d’enfants.
La Cour d’appel de l’Ontario complique l’utilisation de clauses de cessation d’emploi comportant une disposition de « sauvegarde »
Alors que les employeurs souhaitent obtenir une certaine certitude quant à l’établissement et à la limitation des indemnités accordées aux employés, la loi semble changer les critères d’année en année.
En 2018, la Cour d’appel de l’Ontario a publié sa décision dans l’affaire Amberber v. IBM Canada Ltd., 2018 ONCA 571, dans laquelle elle a confirmé le caractère exécutoire d’une clause de cessation d’emploi qui violait autrement la législation sur les normes d’emploi, et ce, en raison d’une disposition de « sauvegarde » qui garantissait que l’employé avait droit à des indemnités plus élevées que celles prévues dans la législation sur les normes d’emploi.
La décision dans l’affaire Andros v. Colliers Macaulay Nicolls Inc. a été rendue en 2019. Dans cette affaire, le contrat de travail contenait une disposition de cessation d’emploi permettant à l’employeur de mettre fin à son emploi moyennant le montant le plus élevé entre 1) l’indemnité prévue à la Loi de 2000 sur les normes d’emploi ; ou 2) à la discrétion de l’employeur, soit : a) un montant correspondant à la rémunération pour deux mois de préavis ; ou d) un paiement tenant lieu de préavis d’un montant égal à deux mois du salaire de base.
La Cour d’appel de l’Ontario a confirmé que la clause de cessation d’emploi était inexécutoire. Il est possible que les rédacteurs de la disposition de sauvegarde aient voulu que la première partie de cette clause constitue une disposition de « sauvegarde » ; toutefois, la Cour d’appel a conclu que la clause de cessation d’emploi, dont le libellé comporte deux parties distinctes, est ambiguë. La Cour d’appel a déclaré que si une clause de cessation d’emploi vise à soustraire l’employeur aux obligations qui lui incombent en vertu d’une loi sans prévoir d’avantages supérieurs en remplacement, toute la clause de cessation d’emploi sera inexécutoire. L’employé avait donc droit à une période de préavis en vertu de la common law (y compris une prime calculée au prorata de ce qu’il aurait gagné au cours de cette période).
Il est vrai que nous ignorons pourquoi la Cour d’appel a conclu qu’une garantie selon laquelle l’employé recevrait le montant « le plus élevé » entre les montants auxquels il a droit en vertu de la loi et d’autres montants est insuffisante pour protéger les droits de l’employé prévus par la loi. Toutefois, pour le moment, l’affaire démontre que le recours à une disposition de sauvegarde risque de ne pas être la meilleure tactique pour les employeurs et que si une disposition de sauvegarde est incluse, les employeurs doivent la rédiger de façon très claire.
Cet article a été rédigé avec l’aide de Ashley Dickey, commis stagiaire en droit de Cox & Palmer à Halifax.
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