COVID-19 : des politiques de vaccination obligatoire soumises à l’arbitrage

14 December 2021

De nombreux employeurs ont adopté une politique de vaccination pour lutter contre la COVID-19. Même si la majorité des employés y adhèrent volontiers, certains s’y opposent farouchement. Certaines politiques ont d’ailleurs fait l’objet de griefs. Plus tôt ce mois-ci ont été publiées les deux premières sentences arbitrales relativement à des politiques de vaccination contre la COVID-19. Une politique de vaccination a été jugée raisonnable, tandis que l’autre a été déclarée déraisonnable. Mais pourquoi donc? Parce que la validité d’une politique de vaccination obligatoire doit être justifiée en fonction des particularités de chaque emploi et de chaque milieu de travail.

United Food and Commercial Workers Union, Canada Local 333 v Paragon Protection Ltd

Dans United Food and Commercial Workers Union, Canada Local 333 v Paragon Protection Ltd (inédit, 9 novembre 2021, Von Veh) (Ontario), Paragon Protection avait mis en place le 3 septembre 2021 une politique obligeant les employés à être entièrement vaccinés au plus tard le 31 octobre 2021 (la « politique »), sous réserve des exemptions prévues par le Code des droits de la personne. Le syndicat a déposé un grief alléguant que la politique contrevenait à la convention collective, à la Loi sur les relations de travail et au Code des droits de la personne. L’arbitre a examiné attentivement la politique, l’énoncé de politique de la Commission ontarienne des droits de la personne sur l’exigence de vaccination et de preuve de vaccination contre la COVID-19, la directive émise par le médecin hygiéniste en chef de l’Ontario, les renseignements concernant les risques liés à la vaccination et la nature des activités de l’entreprise, entre autres. Il est arrivé aux conclusions suivantes :

  • Paragon Protection est une entreprise de sécurité employant 4 400 agents de sécurité et offrant ses services à plus de 450 clients en Ontario.
  • La majorité de ses clients ont leur propre politique de vaccination imposant la vaccination complète contre la COVID-19 à tous leurs fournisseurs venant sur leur lieu de travail.
  • Sa politique prévoyait la possibilité pour les employés de demander une exemption pour des motifs protégés par le Code des droits de la personne.
  • Elle respectait l’obligation de l’employeur aux termes de la Loi sur la santé et la sécurité au travail de prendre toutes les mesures raisonnables pour protéger les travailleurs.
  • La convention collective contient une disposition précisant que les employés doivent respecter les politiques de vaccination des milieux de travail où ils sont assignés [traduction] « si cette vaccination ou inoculation est obligatoire en vertu de la loi ou lorsque les conditions d’accès aux lieux de travail des clients stipulent une exigence spécifique de vaccination et d’inoculation ».

L’arbitre a jugé la politique raisonnable, applicable et conforme au Code des droits de la personne de l’Ontario et à la Loi sur la santé et la sécurité au travail et a estimé qu’elle permettait un certain équilibre pour la sécurité des employés, des clients et du grand public. C’est la première décision qui déclare une politique de vaccination obligatoire comme raisonnable et applicable.

Electrical Safety Authority v Power Workers’ Union

Dans Electrical Safety Authority v Power Workers’ Union (inédit, 11 novembre 2021, Stout) (Ontario), Electrical Safety Authority avait mis en place le 5 octobre 2021 une politique obligeant les employés à être entièrement vaccinés (la « politique »), sous réserve des exemptions prévues par le Code des droits de la personne. Avant le 5 octobre 2021, l’entreprise avait une politique de dépistage et de vaccination volontaire qui permettait aux employés qui ne voulaient pas communiquer leur statut vaccinal de se faire dépister régulièrement. Le syndicat a déposé un grief prétextant que la politique de vaccination obligatoire était déraisonnable et contrevenait à la convention collective ainsi qu’au droit à la vie privée des employés. L’arbitre, tenant compte des circonstances particulières au lieu de travail, a tiré les conclusions suivantes :

  • L’entreprise n’avait connu aucune éclosion, et seulement sept (7) de ses 400 employés avaient contracté la maladie depuis le début de la pandémie. Sur ces sept employés, seulement deux (2) l’avaient attrapée au travail, et c’était tôt en 2021, avant que le vaccin soit facilement accessible.
  • L’entreprise comptait un fort pourcentage d’employés vaccinés (88,4 %).
  • La convention collective ne contenait aucune disposition relativement aux vaccins.
  • L’entreprise n’avait pas rendu la vaccination obligatoire pour les employés auparavant.
  • Les employés faisaient l’essentiel de leur travail à domicile.
  • Quand un employé devait se déplacer dans un établissement tiers qui avait une politique de vaccination obligatoire, l’employeur était en mesure d’y envoyer un employé vacciné.
  • Il n’y avait aucune preuve que le nombre d’employés non vaccinés posait un réel problème pour les affaires de l’entreprise.
  • L’entreprise n’a fourni aucune preuve de la nécessité des procédures en place — c’est-à-dire le test de dépistage pour les employés qui n’avaient pas fourni de preuve de vaccination et la divulgation volontaire du statut vaccinal par les employés — pour la protection de la santé et de la sécurité des employés sur le lieu de travail.

L’arbitre a jugé que la politique de vaccination obligatoire de l’employeur ne constituait pas un exercice raisonnable des droits de la direction en vertu de la convention collective. L’employeur n’a pas démontré pourquoi sa politique existante, consistant à divulguer le statut vaccinal et à tester régulièrement les employés qui ne fournissent pas de preuve de vaccination, était raisonnable. L’arbitre a déterminé que les préoccupations légitimes de santé et de sécurité de l’entreprise ne justifiaient pas [traduction] « à ce moment-là » l’instauration d’une politique de vaccination obligatoire. Toutefois, il a pris soin de souligner que les circonstances propres à la pandémie sont uniques et que la situation évolue : [traduction] « ce qui peut être déraisonnable à un moment donné peut ne plus l’être plus tard, et vice versa. »

Ce que cela signifie pour les employeurs

Ces deux sentences prouvent que la nécessité d’une politique de vaccination obligatoire varie d’une entreprise à l’autre. Il importe d’abord de vérifier si la convention collective a une disposition à ce sujet. Le risque pour la santé et la sécurité au travail est également un facteur d’importance, tout comme l’efficacité des précédentes mesures de protection contre la COVID-19, le cas échéant. Quand la non-vaccination des employés nuit à leur capacité de faire leur travail (soit en raison d’une exigence gouvernementale les obligeant à se faire vacciner ou d’une exigence d’un client), l’instauration d’une politique de vaccination obligatoire peut être justifiée. Il faut aussi noter que, vu l’évolution de la pandémie, les circonstances avalisant une politique de vaccination obligatoire peuvent changer.

Ainsi, nous croyons qu’il y aura d’autres arbitrages sur le caractère raisonnable et l’applicabilité des politiques de vaccination obligatoire.

Cet article a été rédigé avec la collaboration de Dawson Harisson, stagiaire chez Cox & Palmer.

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