Entente sur l’Accord atlantique
Le lundi 1er avril 2019, le gouvernement du Canada et le gouvernement de Terre-Neuve–et–Labrador ont annoncé un accord décrit comme une entente visant à modifier et actualiser l’Accord atlantique.
L’Entente de 2019
L’Accord atlantique original, conclu entre le Canada et la Province en 1985, était un document complet qui établissait le régime de cogestion de l’exploitation pétrolière actuellement en vigueur dans la zone extracôtière de Terre-Neuve–et–Labrador. L’Accord posait comme exigence que la Province soit la « principale bénéficiaire » de la zone extracôtière, et il prévoyait le régime de cogestion administré par l’Office Canada — Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers (« OCTNLHE ») et les régimes de licences et d’approbation des plans de mise en valeur et le régime permettant à la Province d’établir et de percevoir des redevances.
L’Entente de 2019 comprend deux volets. Le premier est un arrangement financier en vertu duquel le Canada convient de procurer à la Province un flux de revenus provenant des dividendes que le Canada prévoit d’obtenir de la Société de gestion Canada Hibernia (« SGCH »). Les paiements commenceront immédiatement en 2019, et ils continueront d’être effectués jusqu’en 2056. Le paiement nominal total au cours de la période sera d’un peu plus de 3,3 milliards de dollars. Toutefois, à compter de 2045, la Province effectuera le premier de huit remboursements annuels de cent millions de dollars, de sorte que le paiement nominal net fait à la Province pendant la durée de l’arrangement sera d’un peu plus de 2,5 milliards de dollars. Le calendrier des paiements prévoit que la majeure partie des fonds seront concentrés vers le début. Ainsi, 1,9 milliards de dollars des 2,5 milliards devraient être versés d’ici 2030, à raison d’un paiement annuel moyen de 160 millions de dollars au cours de cette période.
Le deuxième volet de l’Entente consiste en une série d’engagements et de reconnaissances qui se veulent la contrepartie de l’arrangement financier. Figurent notamment parmi ces engagements et reconnaissances :
- la reconnaissance que l’examen en vertu de l’Accord atlantique de 2005 est maintenant terminé;
- la reconnaissance d’aires marines protégées et de refuges marins, l’autorisation de l’exploration pétrolière dans le Refuge marin du talus nord-est, et la restriction de l’activité dans l’aire marine protégée proposée dans le chenal Laurentien;
- un engagement à mener des discussions au cours de deux prochaines années pour « approfondir » le régime de cogestion.
Analyse
L’on peut considérer que l’Entente règle des questions historiques relatives à la zone extracôtière, mais qu’elle établit également d’importants précédents pour les futures activités.
Les négociations qui ont mené à l’Entente ont été entreprises à l’origine pour respecter un engagement pris aux termes de l’Accord atlantique de 2005 entre le Canada et la Province. Cet accord était principalement un arrangement financier, qui établissait des modalités de traitement des ressources pétrolières dans le cadre de la péréquation (et prévoyait une contribution de 2,0 milliards de dollars au remboursement de la dette de la Province). L’accord comportait aussi un engagement à ce qu’au plus tard en 2019, le Canada et la Province examinent dans quelle mesure les objectifs de l’Accord atlantique original de 1985 étaient atteints, notamment pour ce qui était de faire de la Province la principale bénéficiaire des activités menées dans la zone extracôtière. L’Entente de 2019 énonce expressément qu’elle marque la fin de ce processus.
Le flux de revenus provenant de dividendes de la SCGH permet (probablement) de réaliser un objectif stratégique de longue date de la Province, qui remonte au plan énergétique de 2007 et même avant cela, soit le rachat de la participation du Canada dans la SCGH. Cette part des capitaux propres est une anomalie historique, qui a résulté d’un investissement d’urgence que le gouvernement du Canada a fait en 1993 dans le projet Hibernia, devenu incertain à l’époque après que Gulf Canada, partenaire à hauteur de 25 %, avait retiré son investissement. Le gouvernement du Canada avait investi environ 430 millions de dollars à cette époque; il a par la suite reçu plus de deux milliards de dollars en dividendes et autres revenus provenant des intérêts. La Province a cherché à récupérer cette participation au motif que c’était elle, et non le Canada, qui était censée être la bénéficiaire principale des activités extracôtières. Le flux de revenus prévu aux termes de l’Entente est fonction d’un flux de dividendes projetés de la SCGH sur la durée de vie résiduelle du projet Hibernia, et le Canada a convenu de combler l’insuffisance si les dividendes réels ne suffisent pas à eux seuls à permettre au Canada de respecter son engagement envers la Province, mais le Canada s’est aussi réservé le droit de conserver tous les montants de dividendes qui excéderaient les montants qu’il s’est engagé à verser. La Province a affirmé dans des entrevues accordées aux médias qu’elle avait choisi ce flux de dividendes sans risque par opposition aux risques à la hausse et à la baisse liés à la possession des titres de participation eux-mêmes.
Le nouvel enjeu le plus potentiellement controversé est la reconnaissance de l’intersection de l’exploitation pétrolière et des aires marines protégées. Dans le cadre de sa stratégie générale de conservation marine, le Canada avait créé par proclamation le Refuge marin du talus nord-est au large des côtes du nord-est de Terre-Neuve, qui englobait une partie importante de l’aire communément appelée le bassin Orphan, et le Canada avait fermé la zone à toute activité de pêche. Toutefois, cette déclaration n’avait pas eu d’incidences sur l’exploitation pétrolière dans la zone en raison des arrangements de cogestion établis sous le régime de l’Accord atlantique de 1985. Par conséquent, l’OCTNLHE a continué à délivrer des permis de prospection pour la zone du bassin Orphan. L’Entente contient la première reconnaissance d’une conciliation des deux régimes – la reconnaissance expresse que la prospection peut continuer dans le bassin Orphan, mais la promesse qu’il n’y aura pas de prospection dans la zone de l’aire marine protégée proposée dans le chenal Laurentien.
Il y a aussi l’engagement à passer les deux prochaines années à examiner différents paramètres de cogestion, comme le régime foncier, la sécurité des travailleurs, l’efficacité de la réglementation et la modernisation de l’organisme de réglementation. Il semble y avoir un engagement qui s’inscrit dans le prolongement des engagements de cogestion pris aux termes de l’Accord atlantique de 1985. Cela signifie également que cette entente de 2019 n’est probablement pas la dernière entente du genre dans un proche avenir.